miércoles, 16 de enero de 2013

Mon rêve familier

   Ophelia, Arthur Hughes (1832-1915)

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème,
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? –Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Paul Verlaine
(Poèmes saturniens, 1866) 

Versión al castellano de Un poema cada día

Mi sueño familiar

Tengo a menudo un sueño extraño, penetrante
con una mujer ignota, que amo, y me ama.
Y no es, cada vez, ni del todo la misma
ni del todo distinta, y me ama y comprende.

Me comprende, y mi corazón, transparente
para ella sola, ¡ay!, deja de ser un problema,
para ella sola, y el sudor de mi pálida frente,
Solo ella lo sabe refrescar cuando llora.

¿Es morena, rubia o pelirroja? –Lo ignoro.
¿Su nombre? Me acuerdo de que es dulce y sonoro
como los de amados que la Vida exilió.

Su mirada es como la de las estatuas,
y, en su voz, lejana, calma y grave, tiene
la inflexión de caras voces apagadas.

(Poemas saturnianos)

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